Jacques Weber oublie son texte

monique peyrat

Voici peu, à un journaliste qui le questionnait sur ses relations avec les divers maires de Nice qu’il avait côtoyés de 1981 à 2000, Jacques Weber, acteur et ancien directeur du Théâtre de Nice, répondait que les « moins bonnes » avaient été celles avec Jacques Peyrat, eu égard à la proximité de celui-ci avec le Front national.

Il semble que Jacques Weber adapte son texte et son jeu en fonction du sens du vent.

Durant la dernière campagne présidentielle, il déclamait sa faveur à Jean-Luc Mélenchon. A quelques jours du premier tour, alors que les médias annonçaient la victoire de François Hollande, on retrouvait Jacques Weber au QG de campagne du candidat socialiste.

Aujourd’hui que la Gauche tient tous les leviers du pouvoir, Jacques Weber tente de se refaire une virginité à propos de son passage prolongé (19 ans) dans la ville réputée la plus à droite de France. Cela mérite un petit flash back sur la carrière de ce personnage courageux, qui revendique sa distance avec son ancien maire et pourvoyeur de subventions municipales.

En 1995, au lendemain de l’élection de Jacques Peyrat à la mairie de Nice, on pouvait lire dans le quotidien Libération : « Hier aussi, Jacques Weber, acteur et directeur du Centre dramatique national de Nice-Côte d’Azur, a démenti la rumeur qui le donnait partant de Nice, après l’élection à la Mairie de Jacques Peyrat, ancien responsable du Front national ».

Jacques Weber, donc, est resté. Pour tenir tête au maire alors Front national ? Malgré des relations difficiles ? Pour que le spectacle continue malgré une restriction de subventions de la part d’une mairie de droite ? Voyons cela de plus près.

Jacques Peyrat, accompagnée par son épouse, n’a jamais manqué d’assister aux présentations des nouvelles pièces. On peut être « de droite » et aimer le théâtre.

Jacques Peyrat, « maire de droite », a accordé à Jacques Weber, « homme de gauche », toutes les subventions dont celui-ci a présenté la demande à la municipalité. Parce que quand on est le maire de tous les Niçois, la politique n’entre pas en ligne de compte dans la gestion, dans le domaine de la culture comme ailleurs.

Normal ? Sans doute. Mais les « moins bonnes relations » entre Jacques Weber et Jacques Peyrat ne s’arrêtaient pas aux seules relations administratives.

Jacques Weber semble avoir oublié (ou feint d’avoir oublié…) ces dîners « entre copains » au restaurant La Petite Maison, où ces « moins bonnes relations » n’empêchaient les deux hommes, celui « de droite » et celui « de gauche », de rire beaucoup ensemble. Je me souviens à l’une de ces occasions avoir entendu Jacques Weber confier à Jacques Peyrat que celui-ci, avec son charisme, sa prestance et sa voix de baryton, aurait du faire du théâtre. S’il s’agissait de vile flatterie, elle n’est pas à l’honneur du flatteur…

Jacques Weber semble aussi avoir un certain déjeuner fort animé, où il était, comme toujours, invité, chez une autre comédienne niçoise plus connue pour ses talents de restauratrice, la regrettée Hélène Barale. Jacques Weber avait manifesté de « bonnes relations » avec tout l’assistance ce jour-là, riant des facéties de « la mère Barale », dont il avait manifestement apprécié la cuisine.

Alors à quoi rime aujourd’hui cette mise en scène ? Sinon qu’il est « de gauche » et qu’à ce titre, il préfère oublier et passer aux oubliettes de l’histoire ces bons moments dans la ville et en compagnie de Jacques Peyrat, « homme de… culture ».

Car, enfin, qui a créé la Grande bibliothèque régionale Louis Nucéra ? Qui a choisi d’en faire une œuvre d’art en l’habillant de la Tête Carrée de l’artiste Sosno ? Qui a créé le Conservatoire national de région, grand pourvoyeur de talents ? Qui a fait ériger le Palais Nikaïa ? Qui a voulu et impulsé les nombreuses manifestations culturelles au Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain avev le cosnervateur Gilbert Perlein, pour remercier Nicky de Saint-Phalle, fêter Arman, honorer Klein, promouvoir l’Ecole de Nice ?… Jacques Peyrat.

Qui a donné à l’Opéra, à l’époque où celui-ci était en pleine effervescence (une époque révolue du fait des errances et errements de la nouvelle municipalité…) sous la Direction de monsieur Fourny, les moyens de recevoir des Chefs d’orchestre tels que Gian Carlo Del Monaco ou Marco Guidarini et de lancer le jeune prodige Lionnel Bringiuer ? Jacques Peyrat, encore et toujours.

Jacques Weber, acteur de théâtre français de deuxième plan en déclin, préfère oublier « l’homme de culture » pour ne citer que « l’homme de droite ». Marco Guidarini, chef d’orchestre mondialement connu, n’a pas hésité ni manifesté la moindre gêne, un soir de gala mémorable, à confier symboliquement sa baguette à Jacques Peyrat, qui reçut une ovation de la part des spectateurs.

Jacques Weber a vu et vécu cette époque. A-t-il perdu la mémoire au point d’en oublier son texte. Ou plus probablement, adapte-t-il celui-ci au contexte politique présent afin de s’attirer les bonnes grâces des médias et des bobos ?

Son successeur à la tête du Théâtre de Nice, Daniel Benoin, pressenti par Jacques Peyrat, ne s’embarrasse ni de politique politicenne, ni de commentaires nauséeux. Il joue la comédie, la noble. Il crée. Il innove. Il choisit des artistes en fonction de leur talent et non de leur bulletin de vote. Il fait vivre le Théâtre National de Nice. Il fait son métier, et il le fait bien.

Jacques Weber ferait bien se s’en inspirer…